Les semaines de confinement ont fortement chamboulé la vision du travail et le rythme du quotidien.
Nouvel équilibre vie privée/vie pro, disparition des contraintes de circulation, la plupart d’entre nous ont pu expérimenter une autre vie.
Certains métiers ont pris une aura différente comme les métiers de la santé, alors que d’autres se sont révélés, au travers du confinement, moins porteurs de sens et d’utilité publique.
Avec le déconfinement, nombreux sont ceux qui ont repris le travail avec des envies d’ailleurs. Pour d’autres, c’est la perte d’emploi qui oblige à chercher, s’adapter, se former, se questionner.
Entre quête de sens et nécessité liées au bouleversement économique, va-t-on assister à un boom des reconversions en 2020 ?
3 expertes partagent leur réponse :
Un boom des reconversions professionnelles est en cours depuis le début de la crise sanitaire, 5A Conseil a connu par exemple une hausse de plus de 50 % de demandes pour des bilans de compétences au féminin. Cette crise a globalement mis à mal tous nos repères et bouleversé nos priorités.
Les femmes confinées ont subi beaucoup de pressions dans la mesure où le confinement n’a fait qu’accentuer un déséquilibre déjà existant dans les couples.
Avec la fermeture de nombreux services d’aide à la personne des établissements scolaires, comment déléguer une partie des tâches parentales et domestiques ? Or, ce surcroît de travail est assumé encore et toujours par les femmes dans la grande majorité des cas, ce qui renforce leur sentiment d’épuisement.
Par ailleurs, l’expérience du télétravail a également mis en évidence la porosité entre vie personnelle et vie professionnelle engendré par le télétravail : la présence de la famille, notamment de jeunes enfants, du conjoint, interfère avec le travail et entraîne des chevauchements des différentes sphères les unes sur les autres.
En plus des interrogations sur l’équilibre entre aspirations professionnelles et vie de famille, la quête de sens est plus que jamais au coeur des préoccupations des femmes.
Le travail, qui occupe une place centrale dans notre quotidien, est brutalement transformé : entre chômage partiel et télétravail, le confinement nous a invité à nous questionner sur notre métier et plus généralement, sur notre vie.
Les femmes ressentent plus que jamais le besoin d’être aidées et accompagnées pour y voir plus clair et envisager une reconversion ou un changement de vie professionnelle de manière sereine dans un contexte mouvant et incertain.
Cette crise a renforcé l’envie pressante de sortir d’un sentiment d’épuisement, d’ennui, de non-sens, de pression ou déséquilibre de vie
L’année 2020 sera donc pour beaucoup d’entre nous, l’année des reconversions.
Soulignons-le, cette crise fait apparaître des injonctions paradoxales.
Elle fait surgir pour certains des craintes quant à l’avenir professionnel dans un marché du travail qui risque de se tendre, mais aussi l’envie d’aller voir ailleurs… Ces 2 mois ont pu être pour certains vécu comme un véritable chamboulement émotionnel et psychologique. Les raisons d’une envie, d’un besoin de reconversion sont multiples et variées, mais le haut du podium reste celui du « sens ».
Alors LA question ne serait-elle pas plutôt comment les organisations dans cette période de crise vont-elles retenir ces salariés qui auraient cette envie d’ailleurs ?
La reconversion, est-elle la seule issue à envisager pour retrouver du sens ?
Cette crise, n’est-elle pas le moment pour les organisations de s’emparer de cette question du sens ? Comment ?
Certainement en permettant d’abord au collectif de travail de (re)discuter du travail réel et vécu, de ses singularités et surtout de ses évolutions qui seront certainement encore pour quelques mois contraintes et dictées par cette crise et son évolution.
La première valeur du « sens » passera certainement par-là et cela contribuera en même temps à nourrir le sentiment de reconnaissance, essentiel à l’engagement des salariés.
Le confinement ne sera pas forcement signe pour moi d’un « boom des reconversions » mais doit plutôt permettre aux salariés de se repositionner dans l’entreprise sur des sujets plus stratégiques et les organisations auront tout intérêt à leur laisser voix au chapitre pour (re)trouver le meilleur équilibre entre performance économique et performance sociale.
Chacun va apprendre de cette crise et il me semble prématuré de tirer les premières conclusions, mais plutôt penser les ouvertures. Les organisations tout comme les salariés sont encore dans le feu de l’action et avancent à tâtons… Entre reprise partielle, empêchées, maintien du télétravail…
En tant que psychologue du travail, une phase de mise en mots des maux ressentis par les salariés me semble essentielle et nécessaire.
En ouverture pour ma part en tant que psychologue du travail, la mise en mots des maux ressentis par les salariés va être essentielle et nécessaire.
Valoriser le capital humain, reconnaître et identifier les contraintes, maintenir et développer les ressources dont celles du collectif de travail sera l’enjeu majeur des organisations.
Le salarié n’est donc pas seul face à cette question de reconversion. L’organisation aura toute sa place à prendre pour rebattre ensemble les cartes d’une organisation que l’on ne peut, à ce jour, pas encore repenser.
Je dirais oui et non, car il n’y a que le changement qui ne change pas!
Certains vivent le changement comme une menace et ont tendance à se replier, en se disant que la situation économique post-corona n’est pas propice à la remise en question. D’autres le vivront comme une opportunité de se réinventer pour « s’indépendantiser » d’un système à bout de souffle, dans lequel ils ne se reconnaissaient plus.
Les personnes que j’accompagne sont dans la deuxième catégorie. Elles cherchent un job au plus près de ce qu’elles sont, et à l’exercer dans un contexte de flexibilité, d’autonomie, d’impact et de responsabilisation. Elles cherchent à dépasser leurs peurs pour se réaliser dans une activité qui leur ressemble et qui intègre nos nouveaux modes de vie.
Par exemple :
- De nouvelles formes de travail (co-working, job collaboratif, l’intelligence collective, travail à distance, Slasheurs etc.),
- Des produits ou services qui n’existent pas au travers du digital ou d’anciens métiers, revisités et exercés différemment (agriculture, commerçant, artisans etc.) ,
- De nouvelles formes d’activités, où vie et travail s’entremêlent sans réelle frontière, car le ce que nous faisons au travail c’est notre passion.
Le confinement lié au Codiv-19, nous a placé dans une introspection forcée.
Tout cela peut réveiller des questions dites existentielles :
Et moi dans tout cela ? Qui suis-je vraiment sans l’agitation de ma vie habituelle ? Mon métier est-il un job utile ou un job Bullshit ? Mon projet de carrière, est-il toujours viable pour l’avenir ? Que va t’il se passer si l’économie s’écroule ? La rentabilité à tout prix pour quoi faire ? Quel est le sens de ma vie ?
Ces questions seront peut-être balayées par une crise économique qui va nous obliger à vivre en mode « survie » ou, au contraire, raviver l’envie de se reconvertir dans quelque chose qui a du sens, en se disant:
« puisqu’il n’y a plus rien de certain, autant prendre le risque de faire quelque chose en lien avec qui je suis vraiment et mes convictions ».
Alors la vraie question qui apparaît est « qui suis-je vraiment et dans quoi ai-je envie de m’engager » ? Pour beaucoup d’entre nous, il est très difficile de répondre à ces questions, je le constate chaque jour dans mes accompagnements.
Cela s’apprend, c’est un tournant, une autre façon de penser sa vie et son travail, qui amènera peut-être un boom de la quête de reconversion. Chacun peut se prendre en main, se reconnecter à qui il est vraiment et le sens qu’il veut donner à sa vie, en apportant aux autres sa valeur ajoutée unique au sein d’un environnement plus participatif, collaboratif, et plus humain.
Ce sont de belles pistes pour demain.
Pour conclure...
La période Covid-19 est, comme toutes les crises, une étape dans un processus de changement profond qui s’opère. Elle agit comme un révélateur et met en lumière tant les dysfonctionnements que les aspirations.
Les rêves de reconversion et d’une autre vie possible germent plus que jamais dans les esprits. C’est une aspiration à davantage de sens, d’équilibre et d’épanouissement, dans le quotidien de chacun, mais aussi dans la société.
La reconversion est une manière courageuse de tenter de la concrétiser.
Que la reconversion se fasse ou non, gardons en tête nos aspirations positives. Ce sont des moteurs d’action et de précieux atouts pour amorcer les phases suivantes de ce processus de changement.
Gaëlle Barthélemy
2 Commentaires
Article intéressant. Cette crise sanitaire aura effectivement laissé le temps à l’introspection pour nombre d’entre nous. Pour autant, je suis d’accord sur le fait que cela ne signifiera pas forcément une reconversion pour la majorité d’entre nous. Beaucoup, bien que frustrés, vont repartir dans leur train train quotidien. Car le changement demande beaucoup de courage et d’énergie mais pas uniquement. Certains ont plus à perdre que d’autres. Ainsi, les personnes dont le salaire alimente toute une famille ne pourront peut-être pas se le permettre.
Merci pour ce commentaire. Effectivement nous avons tous ensemble fait l’expérience (heureuse ou douloureuse parfois) d’une vie différente. Ensuite chacun reviendra à la « réalité » à son rythme et aura la possibilité ou non de réécrire cette réalité.